Vingt ans plus tard


En septembre prochain, cela fera 20 ans que j’ai intégré l’EJCM, École de journalisme et de communication de Marseille. Je me revois encore passer le concours, débarquer dans une ville que je ne connais pas, une ville où la grève des éboueurs fait rage. C’était en 2003. Les écrits réussis, je me rends en train vers la cité phocéenne avec mon ami Ludo, rencontré lors d’un stage passionnant à la rédaction de TLM. C’est dans cette petite télé locale que j’ai appris le métier de JRI, journaliste reporter d’images. Mon maître de stage est un certain Franck Nicolas. Il n’est pas encore coach de vie entre Miami et Montréal. Grâce à Peggy, Paul, Anne-So, Sandry, Gérald et les autres, je prends conscience que je suis faite pour ce métier. Je côtoie jusqu’à 17 stagiaires dans la grande rédaction : Ludo, Ingrid, Anne-Laure, Karelle, Aurore, Stéphane, découvrent avec moi combien cette profession est géniale. En juin, en pleine canicule, je retourne à Marseille pour passer les oraux. 


Dans les couloirs de l’école de journalisme, j’ai du mal à cacher mon stress. Je dois réussir le concours à tout prix. Une belle étudiante est assise à côté de moi et attend son tour. Nous commençons à discuter. Elle s’appelle Elisa et vient tout droit de Bordeaux, où elle étudie la philosophie. « Purée elle parle trop bien », me dis-je. « Si tous les étudiants sont comme elle, c’est sûr je ne suis pas à la hauteur… ». Un membre du jury interrompt mes pensées et vient me chercher. Ils sont quatre face à moi. Je ne sais pas qui ils sont. Étonnamment, je dépasse mon stress, je leur raconte ma passion pour ce métier de journaliste, fais part de mes motivations et arrive même à plaisanter. Je leur parle évidemment de mon mémoire de fin d’études à l’EFAP, sur le traitement médiatique de l’affaire Dils. Je place que Faites entrer l’accusé est mon émission culte. Le jury rit et me questionne. L’oral est fini. Quelques jours plus tard, j’apprends avec joie que j’ai réussi le concours. Le même jour, je reçois un appel de mon amie Johanne, rencontrée en prépa littéraire : elle vient de réussir l’agrégation de lettres classiques, elle est classée troisième. La classe !


Je dois donc quitter Lyon où je viens de passer cinq ans. Je dis au revoir à Gaëlle, Gé, Alix, Julie, Delphine connues à l’EFAP, mais aussi à Nadège et à Elodie, mes amies d’enfance. Je fais mes cartons et laisse derrière moi ces cinq années d’études. Adieu le 40 rue de Brest.   


Mes parents m’aident à trouver un appartement à Marseille. Une mission compliquée. Finalement je trouve in extremis un petit studio rue Saint-Pierre, tout près de la Timone.  Nous louons un petit camion pour le déménagement. Mon canapé-lit, une table et des chaises, un bureau, mon PC et le tour est joué. Mes parents portent les cartons jusqu’à ma nouvelle adresse. Ils m’installent dans ce petit studio et je sens que l’heure de leur départ approche. Je sais que les adieux seront difficiles. Je vais pleurer à coup sûr.  


Je ne sais alors pas que ces deux années à Marseille vont être inoubliables. Je ne sais pas que je vais rencontrer dans ma promo des êtres exceptionnels. Je ne sais pas que je vais faire la connaissance de Romain, Elisa, Caro, Solenne, Rastelloc, Céline, Élo, Olivier, Fred dans ma promo. Ce Romain si brillant et si drôle qui sera mon témoin de mariage ! Je ne sais pas que le meilleur est à venir, que je vais apprendre à écrire, à filmer, à monter. Je ne sais pas que je vais m’amuser et rire autant. Mes parents déballent les derniers cartons. Le camion est vide. Ils doivent retourner à Villerest. La route est longue. Je sens les sanglots m’envahir. Ils me donnent quelques conseils. J’embrasse ma mère et mon père. A coup sûr, ces adieux seront larmoyants. Et là, sur le seuil de la porte, mon père se retourne et me lance une phrase venue de nulle part : « Et les chaussures, bien propres ! ». J’éclate de rire. Mes larmes sont déjà séchées. Cette injonction, je ne l’ai jamais oubliée. Elle m’a consolée et elle m’a toujours accompagnée. Merci papa pour cette épiphanie. On ne dit jamais assez : « Et les chaussures, bien propres ! ».


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