Le réveil de pépé



Ce réveil appartenait à mon grand-père José. Un gros réveil rouge que mon pépé José, comme je l’appelais, devait remonter tous les jours. Le père de mon père était un taiseux. Plus grand que la moyenne pour un Portugais, très élancé, il formait un drôle de couple avec ma grand-mère Arminda. Un côté Laurel et Hardy, car ma mémé était petite et ronde. Je me rends compte aujourd’hui à quel point je lui ressemble. Ils ont quitté leur terre natale, le Soito, pour débarquer à Bert, dans l’Allier, en 1961, avec leur quatre garçons, José, Jean-Louis, Manuel et Mario, mon père. 


Ce dernier me raconte souvent à quel point leur arrivée en plein hiver a été un choc. Il évoque alors cette fois où il parcourait le village bourbonnais à la recherche de carburant pour allumer sa lampe à huile. Les volets se refermaient un à un tandis qu’il avançait dans les rues de Bert, demandant en portugais de quoi allumer sa lampe. Quelle tristesse ! Mes grands-parents ont ensuite quitté Bert pour Digoin en Saône-et-Loire. José est redevenu coiffeur, le métier qu’il exerçait au Portugal. Dans la maison familiale, je me souviens du défilé de Lusitaniens qui venaient se faire couper les cheveux chez mon pépé. Ma grand-mère elle,   s’occupait énormément de ses petits-enfants dont moi. Elle cuisinait beaucoup : du riz au sang de lapin, du pain perdu, du riz au lait, tels étaient les plats qui me viennent immédiatement en tête. Pour le goûter, elle nous faisait griller du pain au four, auquel elle rajoutait du beurre ou du chorizo. On agrémentait cela d’un verre de pschitt. Un repas très Weight Watchers en somme ! Elle était très généreuse, un poil hypocondriaque, toujours souriante. Elle faisait tout pour ses quatre fils adorés et ses nombreux petits-enfants, huit au total si je compte bien. Chaque fois que nous débarquions dans sa maison ou ensuite dans son petit appartement HLM, elle sortait tout pour nous rassasier. Elle me demandait, enfant, pourquoi je ne portais pas de robe ni de souliers vernis. Elle avait un cœur fragile. Sur la fin de sa vie, elle a surmonté un triple pontage coronarien. Ti Arminda Simona aimait retourner tous les étés dans sa maison de la rue de macieiera, la rue des pommiers. Discuter avec des voisins était son occupation favorite. 


À Digoin, elle regardait beaucoup la télévision : assise à un mètre de son poste, elle regardait religieusement l’Ecole des fans, Questions pour un champion et surtout la Roue de la fortune. Elle ne savait ni lire ni écrire, comme mon grand-père, mais ces jeux de culture générale faisaient son bonheur. Elle disait régulièrement à ma sœur et moi : « Allez à la roue! », en portugais, pour nous inciter à participer à l’émission.  Dans son salon, une multitude de photos du Pape Jean-Paul II, des représentations kitchissimes de Jésus et ses apôtres. Dans sa chambre, il y avait une statue de la Vierge Marie à Fatima, devant les bergers, qui reposait sur un petit tiroir. Dès qu’on l’ouvrait, une petite musique et un mécanisme s’animait. Qu’est-ce que j’ai pu ouvrir ce petit tiroir ! Elle adorait aussi qu’on lui donne des photos. Sa famille était sans doute sa plus grande fierté. Elle nous couvrait de baisers. Elle demandait des « tchis do Coração », des câlins du cœur. Les mémés aujourd’hui que je réclame à Eliott.


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