Au théâtre ce soir




Je boude. Sur cette photo je dois avoir trois ans. Je suis en maternelle à Digoin, en Saône-et-Loire. Si je fais la moue, c’est que je ne suis pas contente de ma tenue. Je porte une robe aux motifs Liberty. Et je ne voulais pas. Quelques mois plus tard, je vais participer à ma première fête de l’école. Mon père m’en parle à chaque fois comme une révélation. Je tenais un petit rôle dans une pièce de théâtre. J’étais un médecin. Haute comme trois pommes, j’arrivais, je prenais mon stéthoscope et j’auscultais mon patient. Mon père me raconte souvent qu’il a été élu aux larmes ce jour-là. J’étais si petite et j’incarnais pourtant mon rôle avec tant de passion qu’il a été bouleversé. C’était la première fois que je montais sur les planches. 

D’autres occasions ont suivi. En sixième, nous préparions des scènettes théâtrales pour la fête de l’école avec Sophie, la fille de Mme Davidovitch, notre prof de français. Je donnais la réplique à Florence, mais aussi à Élodie, qui deviendrait quelques années plus tard une de mes témoins de mariage. « Le petit angora » et des extraits du « Malade imaginaire » étaient au programme. Nous avons beaucoup appris, sur la voix, la posture, le jeu. C’était ma première expérience de théâtre. J’étais déjà montée sur scène pour des spectacles de danse mais j’osais pour la première fois déclamer un texte en public. Une très belle émotion. 


J’ai toujours aimé jouer, donner la réplique. Alors que je devais avoir 15 ans, à l’occasion d’un gala de danse au théâtre de Roanne, Pascale, ma prof, m’a demandé de monter sur scène pour réciter un poème. Il s’agissait de « Pour faire le portrait d’un oiseau » de Jacques Prévert. Bien des années plus tard, je ressens encore mon trac sur les planches et je me vois commencer ainsi : 

« Peindre d'abord une cage

Avec une porte ouverte

Peindre ensuite

Quelque chose de joli

Quelque chose de simple

Quelque chose de beau

Quelque chose d'utile pour l'oiseau ». Mon rythme cardiaque s’accélère, je sais que je dois réciter calmement mon texte. Je parviens à garder mon sang froid. Je continue le poème. Tout se passe bien. J’ai réussi. Les spectateurs du théâtre à l’italienne m’applaudissent. Une étrange sensation. 


J’aime me mettre en scène, imiter mes proches, mes collègues, mais toujours avec bienveillance. À l’époque où je me cherchais un peu, où j’étais triste à en mourir en hypokhâgne à Lyon, j’ai écrit au Cours Florent de Paris. J’ai reçu quelques jours plus tard un dossier d’inscription. Mais je n’ai jamais eu le courage de franchir le pas. Je ne crois pas que j’ai raté ma vocation. La plume et l’écriture me font vibrer. Désormais, depuis 2006, je vais régulièrement au théâtre. J’ai encore pris cette année mon abonnement à la Comédie, la scène nationale de Clermont-Ferrand. Je ressens un grand plaisir à voir des comédiens sur scène. J’ai aussi initié Eliott à cet univers. Quand je vois ses yeux qui brillent, ses rires après une réplique, je sais que la relève est assurée. 


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