Le cahier d'écrivain




L’année scolaire touche à sa fin. Eliott nous ramène tous ses cahiers, ses pochettes remplies d’exercices. Encore une année qui vient de défiler en quatrième vitesse. Je crois qu’il s’est bien amusé cette année, que le CE1 lui a plu. Parmi les nombreuses affaires qu’il a ramenées de l’école, un cahier d’écrivain. Il s’agit d’un cahier où il peut faire des exercices de rédaction et faire ses premiers pas en écriture. Portrait chinois, petites rédactions sur différents thèmes, l’idée est de pouvoir écrire encore et encore. Je découvre ainsi avec bonheur que si Eliott était un objet, il serait une bibliothèque, s’il était un livre il serait la collection Folio Junior… Je crois que j’ai réussi à lui transmettre mon amour des livres. 

Mais une rédaction a  particulièrement attiré mon attention. Il s’agissait de suivre des consignes très précises : « Écris une histoire avec ces groupes de mots. Ajouté des articles pour rédiger ton texte ». Parmi les expressions à placer, on peut trouver « dragon enlève princesse », « roi demande chevaliers enlever princesse », ou encore « réduction SNCF ». Je me demande bien comment Eliott va réussir à placer ces derniers mots, sachant que tout le vocabulaire appartient au champ lexical du conte, de la chevalerie. 
Je commence à lire sa prose. Il ouvre son récit très classiquement, imaginant une princesse enlevée par un dragon. Le roi d’Allemagne fait alors appel à des chevaliers. La princesse doit finalement son salut à un facteur venu apporter une lettre. il parvient à la sauver en envoyant une lettre piégée au dragon. La princesse est sauvée. Mais la chute de l’histoire va réserver une surprise des plus inattendues…
Eliott écrit : « La princesse épouse le facteur heureux d’être marié avec elle. Ils font beaucoup de bébés, une famille nombreuse. Ils prennent beaucoup de fois le train alors on leur donne une réduction SNCF ». 
Je ne m’attendais pas à une telle fin ! Mon fils a réussi à caser tous les termes, même les  plus incongrus. Qu’est-ce que j’ai pu en rire ! J’en pleurais. J’ai félicité mon fils pour la qualité de sa prose. Cela lui a valu un joli «  TB » dans la marge, écrit, à l’encre violette, par sa maîtresse. 

En racontant cette anecdote, ma mère m’a aussi fait remarquer que mes rédactions d’enfant l’ont aussi faite sourire. Ainsi, alors que je devais avoir 7-8 ans, je devais raconter une histoire à partir d’images. On y voyait une famille partir en balade. Je commençais mon récit ainsi : « Comme tous les dimanches, la famille Da Calva part en promenade ». Je me rappelle que ma sœur s’était largement moquée de moi et du choix du patronyme portugais. Les Da Calva étaient et sont encore aujourd’hui les meilleurs amis de mes parents. Après avoir essuyé les quolibets de ma sœur, je veillais alors à utiliser des noms de famille bien français. Fini les patronymes lusitaniens, désormais mes héros s’appelleraient Guérin ou Perrin. Ces bons mots d’enfants me mettent du baume au cœur. Je savoure ces moments d’épiphanie. Et je me réjouis de voir qu’Eliott à son tour aime écrire. 

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