Elo

Été 1994. Je n’ai pas encore 14 ans. Je viens de me voir offrir par mes parents un superbe scooter : le Typhoon rouge de Piaggio dont je rêvais. Élodie, mon amie rencontrée deux ans plus tôt au collège Saint-Paul de Roanne, est venue voir l’engin. Elle monte derrière moi. Nous faisons quelques tours dans le parc de la maison familiale. Comme je n’ai pas encore 14 ans, je ne suis pas encore assurée et ne peux conduire sur la route. Jusqu’à mon anniversaire j’ai roulé tous les jours sur la pelouse. Je crois que j’ai fait 60 km en 3 semaines…

Elodie s’accroche derrière moi, me tient la taille. Nous sommes tout sourire. La photo qui accompagne ce récit est prise à l’automne suivant. Au guidon de ce deux roues, je pourrai me rendre au collège et retrouver mes amies. Bérangère aura elle un Storm Piaggio et Elodie un Peugeot dont le modèle m’échappe. Toutes les trois faisions parfois la route ensemble, pour aller au bar le Welcome, faire un tour au barrage de Villerest. Le chemin que je connais par coeur est celui qui me menait chez les parents d’Elodie à Commelle-Vernay : 26 rue des Lilas. Je n’ai pas oublié leur numéro de téléphone fixe, 30 ans après.  J’allais souvent chez mon amie le samedi. Le scooter de 50 cm3 montait avec difficulté la côte du barrage. J’arrivais alors chez Élo, accueillie chaleureusement par Eliane, sa mère, et Michel, son père, dont la tenue favorite était été comme hiver, un slip et un T-shirt ! Nous jouions alors avec mon amie, elle me montrait ses derniers dessins. Élodie a toujours été douée pour les arts plastiques. Mais pas seulement. 

C’était une élève brillante. Un peu étourdie parfois mais tellement drôle. Un jour, en quatrième, elle écrira dans une interrogation écrite sur les philosophes des Lumières, « Jean-Jacques Rousseau, célèbre auteur du Carton social » ! Depuis, je ne compte plus les fulgurances d’Elodie. Les patronymes erronés, comme « Clovis Bertignac », les aventures improbables font mon bonheur. Désormais, Nico son compagnon et Arthur, son fils, prennent un malin plaisir à me raconter les dernières gaffes d’Elodie. Et elle rit avec nous ! Alors qu’elle était au collège elle a participé au concours de Miss OK podium. Une silhouette longiligne, une magnifique chevelure blonde, de grands yeux qui vous fixent, Élodie est d’une beauté à tomber. Les jurés du concours de beauté ne s’y sont pas trompés. Elle finira sur le podium. Dans le magazine, avant la finale, un petit portrait lui sera consacré. Caractéristiques physiques, hobbies, tout y sera détaillé. Je me rappelle qu’elle avait répondu à la question du film préféré : « Entre ciel et terre » d’Oliver Stone. Il film bouleversant sur la guerre du Vietnam mais dont elle n’avait pas vu grand-chose, trop occupée par ses amours adolescentes au cinéma cet après-midi-là. Élodie est l’amie rêvée. En plus de 30 ans, pas une dispute, pas un mot plus haut que l’autre. Je souhaite à tout le monde d’avoir une amie comme elle. Même quand elle vivait en Australie, en Espagne ou à Besançon, elle était là pour moi. Désormais, si mon téléphone sonne entre 8 heures et 8h30, je n’ai pas besoin de lire qui m’appelle, je sais que c’est elle. Mon Élo.