La gifle
L’été est la saison des jobs étudiants. J’ai de la sympathie pour ces jeunes qui ont un boulot lors de la saison estivale. Car je suis passée par là. J’ai bossé comme CDD dans des rédactions. J’ai ainsi travaillé pour le Progrès de Tarare. J’ai aussi effectué des stages pour apprendre le métier de journaliste. J’ai par ailleurs vendu des abonnements à la presse dans des lycées de Lyon. Mais le job d’été qui m’a le plus marquée et que j’ai exercé le plus souvent s’est passé dans la discothèque familiale, le Privé.
C’était le bon plan. Je n’avais qu’à traverser la cour, car la boîte de nuit jouxtait notre maison. J’étais bien payée, mes parents ayant toujours été très généreux avec moi. Mon poste était au vestiaire. Je devais mettre sur des cintres les vêtements des clients, prendre leurs sacs à main, le tout avec le sourire. Je faisais payer chaque article 1 euro. Je vendais aussi des cigarettes. J’étais dans une petite pièce à l’entrée. Dès que la voie était libre, j’allais rejoindre ma mère à l’entrée qui tenait la caisse. Le job de rêve. Pas trop d’efforts à faire et de super conditions de travail. Il faut dire que je tenais le vestiaire l’été. Il y avait peu de vêtements à gérer. J’ai eu à de rares occasions à gérer le vestiaire en hiver. Rien à voir. Avec les manteaux, les écharpes, les gros sacs, la tâche était tout de suite plus compliquée. L’été au vestiaire était bien plus tranquille. Sauf quand les clients s’y mettaient.
La plupart d’entre eux était adorables. J’étais souriante et ils me le rendaient bien. Certains habitués me connaissaient et j’avais même le temps de discuter avec eux. Je n’ai que de bons souvenirs au vestiaire. A une exception près. Un soir d’été, il y avait pas mal de monde à la discothèque. Un peu d’attente en caisse et aussi au vestiaire. Les clients s’étaient passé le mot pour arriver tous en même temps. A mon poste, j’enchaînais la distribution de tickets en échange de leurs vêtements ou de leurs sacs. Je ne sais pour quelle raison un client a perdu son sang froid. Mécontent d’attendre, il m’a copieusement insultée. Et pas qu’une fois. C’était très violent. Je ne savais pas quoi lui répondre. Je me sentais humiliée.
L’incident passé et le client parti dans la salle du bas -car il y avait deux salles et deux ambiances- je m’étais précipitée vers ma mère à l’accueil pour lui raconter mes mésaventures. Elle m’avait consolée. Ce que je ne savais pas, c’est qu’elle irait tout raconter à mon père, qui tenait le bar de la salle du bas. Une fois informé, Mario était venu me voir au vestiaire. Il m’avait demandé de lui raconter toute l’histoire. Je minimisais la violence des propos du client car je savais ce qui l’attendait. Surtout, je refusais de répondre à la question de l’identité du client. Je devinais pertinemment quel sort l’attendait si mon père le retrouvait. Ce dernier insistait. Pas simple de tenir tête à Mario, surtout s’il était en colère. Je finis par céder. Mario me fit descendre dans la salle. Il me pressa de lui montrer le client. D’un geste du doigt fébrile, je lui montrais le gars qui m’avait copieusement insultée quelques minutes plus tôt. « C’est lui » dis-je au milieu du bar et alors que la fête battait son plein. Mon père s’approcha du type. Je les vis échanger quelques mots. Je ne comprenais pas ce qu’ils se disaient car la musique était trop forte. L’échange n’avait pas duré longtemps. C’est alors que je vis mon père mettre au gars la plus énorme gifle que j’aie jamais vue. Ça claquait comme dans les films. Une seule baffe. Mais la baffe du siècle ! Je m’en voulais tellement de l’avoir dénoncé. Le client s’était alors approché de moi et s’était excusé en disant : « Désolée, je ne savais pas que tu étais la fille de Mario ». En fait, j’étais plus que la fille de Mario. Pendant des années, surtout à l’école, j’étais « la fille du Privé ».
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