Pour s’informer en Norvège


Il y a quelques années, avant d’intégrer France 3, j’ai enseigné à l’université de Clermont-Ferrand. Une place se libérait, mon amie Nadège quittant la région. J’étais déjà vacataire et Nadège m’avait suggéré de postuler. Elle avait appuyé ma candidature. C’est ainsi que durant un an, j’ai endossé le rôle de professeur de communication à la fac de sciences et technologies. Les élèves de licence étaient sympathiques. La communication n’était pas leur discipline favorite mais j’essayais de rendre les cours agréables. Nadège m’avait grandement facilité la tâche car elle m’avait transmis ses cours. Ma préparation était ainsi plus facile. Nous abordions les techniques de communication, la rédaction du CV et de la lettre de motivation, le tout dans une ambiance détendue.  

Un jour, j’ai procédé à un petit exercice pratique. L’objectif était de voir comment un message pouvait être altéré par une mauvaise communication. J’avais pris 10 étudiants. Neuf étaient sortis. J’avais fait lire au premier un texte. Un à un, les étudiants étaient rentrés et devaient écouter puis restituer le message dont on leur avait fait part. Un véritable téléphone arabe. Le texte disait en substance : « En 1886, près de Saint-Firmin en Ardèche, des habitants partirent à la recherche d’un loup, armés de leur fusil. Ils le traquèrent jusqu’à le trouver endormi au pied d’un arbre. Ils le tuèrent et en firent un tapis ». L’exercice commença. Le premier élève découvrit le texte, puis le rapporta au second. Ainsi de suite jusqu’au dixième. A chaque message, les étudiants écarquillaient grand les yeux. Le texte n’avait plus rien à voir avec le message initial. Le téléphone arabe était de piètre qualité. Arriva enfin le dernier étudiant. 

Je n’avais pas prévu de choisir un étudiant étranger. Il y en avait beaucoup sur le campus, grâce aux échanges avec l’université Clermont Auvergne. Celui-ci devait être nord-africain. Il retint son souffle et restitua le message qui était arrivé jusqu’à lui : « Pour s’informer en Norvège et en faire un tapis ». Lui- même comprit que cette phrase n’avait aucun sens. La classe était hilare. Je dois avouer que moi aussi, j’avais du mal à contenir mon rire. L’exercice avait fonctionné au-delà de mes espérances. Le message initial avait été largement déformé. « Pour s’informer en Norvège et en faire un tapis ». 


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