Rod Stewart


Mes parents partent bientôt au Portugal. C’est la transhumance rituelle de l’été. L’occasion pour moi de repenser à ce périple vers la Lusitanie. J’avais environ 8 ans. Papa conduisait sa BMW rouge 1602. C’était SA voiture. Chromes qui brillent, peinture vermillon impeccable. La voiture avait beau avoir déjà une dizaine d’années, la belle allemande était toujours aussi rutilante. Il faut dire que la passion de papa, c’est de la chouchouter. Au Paic citron, à l’eau claire et à la peau de chamois uniquement. Une recette qu’il applique encore aujourd’hui. Il fallait voir comment les jantes Targa éteint toujours impeccables. La voiture était pleine à craquer. Bagages, cadeaux pour la famille, plus une place de libre dans l’auto. Maman avait aussi veillé à remplir la glacière, non seulement pour le pique-nique mais surtout pour ravitailler mon père, tout au long du chemin, en eau et en fruits. Car Mario parcourait les 1400 kilomètres entre Roanne et Soito d’une seule traite. Pas question de s’arrêter en chemin. Tel un forçat de la route, il avalait les kilomètres goulûment. La nuit, je ne voulais pas fermer l’œil, tant je redoutais qu’il ne s’endorme. Je me plaçais alors dans l’axe du rétroviseur central et je fixais des yeux.  S’ils papillonnaient, un simple «  Papa! » le rappelait à l’ordre. Pour se tenir éveillé, mon père mettait le poste de radio à fond. Jusqu’à la frontière espagnole, RTL nous a accompagnait. Mais quand les grandes ondes commençaient à nous lâcher, papa sortait son arme secrète. Une cassette audio. Pas encore d’autoreverse, il fallait éjecter la cassette pour écouter les morceaux suivants. Dans sa collection, Rod Stewart  revenait en boucle. 


Je me revois chanter à tue-tête Da ya think I’m sexy ?, en yaourt bien sûr. Mon père emmenait aussi avec lui un enregistrement préparé par le DJ de sa discothèque, le Privé. Tous les tubes des années 80 raisonnaient dans l’habitacle. Gloria d’Umberto Tozi, Take on me de A-Ha, tels étaient les morceaux que nous fredonnions papa et moi, pendant que maman et ma sœur dormaient. Les villes défilaient dans la nuit, Bilbao, Burgos, Valladolid. Le jour se levait alors. Ma mère changeait alors la serviette éponge placée sur le siège de papa. Pas de climatisation à l’époque, il fallait trouver d’autres astuces pour affronter la chaleur. Au petit matin, un panneau apparaissait : Portugal. Il fallait franchir la douane, car à l’époque Schengen n’existait pas. La route espagnole bien goudronnée changeait alors subitement pour laisser place à une route beaucoup moins bien entretenue. Bienvenue au pays. Les premiers châtaigniers apparaissaient. Quelques taureaux étaient visibles dans les prairies sèches. Mon père et ma mère revenaient sur la terre qu’ils avaient quittée enfants. Maman était partie à 7 ans, en 1952 et papa en 1961, à l’âge de 13 ans. Encore quelques kilomètres et nous arrivions au Soito, le village natal de mon père. Nous allions en premier chez Ti Gloria et Ti Zé, ma grand-tante et mon grand-oncle adorés. Les vacances pouvaient alors commencer. Repas en famille, promenades avec les cousins, corridas, le programme était immuable. Parfois nous allions dans le sud du pays, en Algarve. Ces souvenirs ressurgissent chaque fois que je retourne au Portugal ou que j’écoute Rod Stewart.

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