Faire son lit


Je déteste faire mon lit. Pourtant, il n’y a pas un matin où je ne manque de le faire. A chaque fois que j’arrange les draps et la couette, j’ai comme l’impression que deux petits Jiminy Cricket sont derrière moi : ma mère et ma grand-mère maternelle. Isabelle et Thérèse me soufflent que c’est mal fait, que je m’y prend comme un pied, que c’est une honte, à 40 ans passés de ne toujours pas savoir faire son lit. 


Ma grand-mère Thérèse et ma mère ont eu l’habitude de faire leur lit au carré : elles l’agençaient de façon que les bords et les coins étaient parfaitement nets et rectilignes. Une habitude quasi militaire qu’elles ont tenté de me transmettre. Pas un pli, pas un drap qui dépasse : Thérèse et Isabelle, les pros du pliage de draps. Encore aujourd’hui, quand je passe le week-end chez mes parents, à coup sûr, j’ai beau m’appliquer, ma mère me reproche d’être toujours aussi mauvaise pour cette tâche. Chez moi, je prends mon temps, je veille à bien plier le drap du dessus, à agencer le drap housse, à replier la couverture. Mais rien n’y fait, je n’ai pas le talent d’Isabelle et Thérèse. 


Je ne manque jamais de faire mon lit avant de partir au travail. Je déteste rentrer le soir dans mes pénates et découvrir que j’ai oublié de le faire, car partie tôt à la rédaction. Un jour, j’ai lu un article dans Libération qui m’a profondément marquée. Un criminel était poursuivi en cour d’assises. Parmi les personnes venues à la barre, un proche allait témoigner que l’accusé ne faisait jamais son lit. Dans l’assistance, le public allait alors paraître profondément choqué et pousser des « Oh! » de stupeur. Chaque matin, quand je fais mon lit, je suis cet accusé, jugé par ma mère et ma grand-mère, pour avoir commis le crime d’un lit mal fait.


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